"Stuart Elton se penche pour retirer d'une pichenette un fil blanc sur son pantalon, et ce geste banal, accompagné qu'il est d'une coulée, d'une avalanche de sensations, lui paraît être la chute d'un pétale de rose : en se redressant pour reprendre sa conversation avec Mrs Sutton, Stuart Elton sent qu'il est tout entier fait de pétales compacts, serrés et touffus, teintés, rougis, embrasés tous de cette luisance inexplicable. Si bien que, quand il se penche, un pétale tombe. Dans sa jeunesse, il n'a pas connu cela, non. Maintenant, à quarante-cinq ans, il lui suffit d'envoyer promener un fil d'une pichenette, et voilà que l'envahissent tout entier cette magnifique harmonie de la vie, cette coulée, cette avalanche de sensations, ce sentiment d'unité lorsqu'il se relève, rééquilibré. Mais que disait-elle donc ?"
Virginia Woolf, "Le bonheur" in "La Fascination de l'Etang"
9 déc. 2011
1 déc. 2011
01/12/11
"Bras grue pivotante qui vous cueille vous élève jusqu'au sommet l'épaule d'où vous découvrez les gens une allumette par terre la mer énigme réponse effacée avant d'être connue énigme réponse effacée énigme jusqu'à cette ligne d'horizon qui vous attire."
Béatrix Beck, “Cou coupé court toujours” (1967)
"Bras grue pivotante qui vous cueille vous élève jusqu'au sommet l'épaule d'où vous découvrez les gens une allumette par terre la mer énigme réponse effacée avant d'être connue énigme réponse effacée énigme jusqu'à cette ligne d'horizon qui vous attire."
Béatrix Beck, “Cou coupé court toujours” (1967)
22 nov. 2011
22/11/11
"Je me suis souvenu du texte que j'essayais d'écrire quand j'avais connu Louki. Je l'avais intitulé Les Zones neutres. Il existait à Paris des zones intermédiaires, des no man's land où l'on était à la lisière de tout, en transit, ou même en suspens. On y jouissait d'une certaine immunité. J'aurais pu les appeler les zones franches, mais zones neutres était plus exact."
Patrick Modiano, "Dans le café de la jeunesse perdue"
"Je me suis souvenu du texte que j'essayais d'écrire quand j'avais connu Louki. Je l'avais intitulé Les Zones neutres. Il existait à Paris des zones intermédiaires, des no man's land où l'on était à la lisière de tout, en transit, ou même en suspens. On y jouissait d'une certaine immunité. J'aurais pu les appeler les zones franches, mais zones neutres était plus exact."
Patrick Modiano, "Dans le café de la jeunesse perdue"
12 nov. 2011
12/11/11
"(...) and my spirit growing seven by seven
Faster than the speed of light
Cause light only penetrates the darkness that's already there
and I'm already there
I'm there at the end of the road
Wich is the beginning of the road beyond time, but
Where's my nigger at ? (Oh shit!)
Oh shit, don't tell me my nigger got lost in time
My nigger are dying before their time
My nigger are serving unjust time
My nigger are dying because of
time"
Saul Williams, "Sha-Clack-Clack"
lien vidéo
"(...) and my spirit growing seven by seven
Faster than the speed of light
Cause light only penetrates the darkness that's already there
and I'm already there
I'm there at the end of the road
Wich is the beginning of the road beyond time, but
Where's my nigger at ? (Oh shit!)
Oh shit, don't tell me my nigger got lost in time
My nigger are dying before their time
My nigger are serving unjust time
My nigger are dying because of
time"
Saul Williams, "Sha-Clack-Clack"
lien vidéo
2 nov. 2011
18 oct. 2011
7 oct. 2011
7/10/11
"En passant sur la 610 nord
On voit le paquet d'ombres des gratte-ciel de Houston au loin, dans une pluie.
On se dit qu'une photo ça serait bien, vue d'ici, qu'on est dans le soleil,
Mais l'autoroute permet pas qu'on s'arrête et t'emporte
A travers des nuages et du bleu déchiré
Toutes les publicités les voilà comme de minuscules cris de couleur, en contrebas d'où on passe, on sent
Que ça pourrait n'avoir pas de fin de conduire ainsi très vite"
James Sacré, America solitude (2010)
"En passant sur la 610 nord
On voit le paquet d'ombres des gratte-ciel de Houston au loin, dans une pluie.
On se dit qu'une photo ça serait bien, vue d'ici, qu'on est dans le soleil,
Mais l'autoroute permet pas qu'on s'arrête et t'emporte
A travers des nuages et du bleu déchiré
Toutes les publicités les voilà comme de minuscules cris de couleur, en contrebas d'où on passe, on sent
Que ça pourrait n'avoir pas de fin de conduire ainsi très vite"
James Sacré, America solitude (2010)
23 sept. 2011
23/09/11
"Puis le train arriva. (...) ; et il filait avec fracas, aspirant l'air et me giflant. Je l'avais tant attendu, mais quand l'obscurité retomba et que le sable recommença à crisser, je me disais que, même dans un désert, ces gens-là ne vous fichent pas la paix. Si demain j'avais dû m'enfuir, me cacher, pour ne pas être interné, je sentais déjà sur moi, comme le choc de ce train, la main du policier. C'était ça, l'Amérique."
Cesare Pavese, "La Lune et les Feux"(1959)
13 sept. 2011
13/09/11
"Le poème se construit au fur et à mesure que le paysage est là ;
Le paysage qui se défait puis qui revient,
Les toujours mêmes motifs de formes
Qui se disposent autrement, tournant
Dans ce qu'on voit, ce qu'on écrit :
Groupe de hauts sillos métalliques ça fait
Comme des paquebots dans le ciel très vaste,
Et tout en bas de leurs blocs de silence
Un convoi ferroviaire longtemps."
James Sacré "America solitudes"
28 août 2011
23 août 2011
23/08/11
" ou bien, il s'immobilisait et posait sa tête dans la mousse et fermait les yeux à demi, et tout s'en allait alors, loin de lui, la terre se dérobait sous lui, elle devenait aussi menue qu'une étoile errante et s'immergeait dans un fleuve tumultueux dont les eaux claires défilaient sous son corps."
" ou bien, il s'immobilisait et posait sa tête dans la mousse et fermait les yeux à demi, et tout s'en allait alors, loin de lui, la terre se dérobait sous lui, elle devenait aussi menue qu'une étoile errante et s'immergeait dans un fleuve tumultueux dont les eaux claires défilaient sous son corps."
Georg Büchner, Lenz
(trad. J.P. Lefebvre)
8 août 2011
08/08/11
" et parfois prenait-il le gris pour le bleu
voyait-il d'invisibles chauds soleils derrière
le gris des horizons la brume du bas des coteaux et
même les pluies les pluies tièdes du soir
cette attente que la marche la marche même
attisait
Puis la plaine blonde et chaude cette couleur
dans le ciel nulle part qu'ici
entre les pluies le bleu et le bleu et ce qui le
soir se glissait très gris au-dessus de l'horizon
les falaises et les coteaux et les vieux ponts sur la
Loire les bateaux qui attendaient le vent et comme là-bas les îles du milieu du fleuve
passant le point jusqu'au-dessus de l'île les
peupliers et les fleurs jaunes blanches
et le bruit de l'eau contre les piles"
Michèle Desbordes, "Dans le temps qu'il marchait"
" et parfois prenait-il le gris pour le bleu
voyait-il d'invisibles chauds soleils derrière
le gris des horizons la brume du bas des coteaux et
même les pluies les pluies tièdes du soir
cette attente que la marche la marche même
attisait
Puis la plaine blonde et chaude cette couleur
dans le ciel nulle part qu'ici
entre les pluies le bleu et le bleu et ce qui le
soir se glissait très gris au-dessus de l'horizon
les falaises et les coteaux et les vieux ponts sur la
Loire les bateaux qui attendaient le vent et comme là-bas les îles du milieu du fleuve
passant le point jusqu'au-dessus de l'île les
peupliers et les fleurs jaunes blanches
et le bruit de l'eau contre les piles"
Michèle Desbordes, "Dans le temps qu'il marchait"
14 juil. 2011
6 juil. 2011
06/07/11
la lenteur
que le temps gonfle
dans la robe
qui se casse
et se refait sans cesse
les élevages de poussières
les grandes rides blanches
et les rouleaux portés
sur son dos
(dans une pièce sombre, en imaginant la mer)
7 octobre 2010
Nicolas Jaen "Nô 2"
(...)
la lenteur
que le temps gonfle
dans la robe
qui se casse
et se refait sans cesse
les élevages de poussières
les grandes rides blanches
et les rouleaux portés
sur son dos
(dans une pièce sombre, en imaginant la mer)
7 octobre 2010
Nicolas Jaen "Nô 2"
28 juin 2011
21 juin 2011
21/06/11
"Je travaille à la dernière minute. Les "choses" que je fais et refais pendant des mois, je les finis en trois heures.
Le désir que j'ai, ce n'est pas de travailler, mais de savoir ce que je veux faire... et d'en finir au plus vite.
Peut-être suis-je un faux sculpteur et un faux peintre."
Alberto Giacometti, "Je ne sais ce que je vois qu'en travaillant"
"Je travaille à la dernière minute. Les "choses" que je fais et refais pendant des mois, je les finis en trois heures.
Le désir que j'ai, ce n'est pas de travailler, mais de savoir ce que je veux faire... et d'en finir au plus vite.
Peut-être suis-je un faux sculpteur et un faux peintre."
Alberto Giacometti, "Je ne sais ce que je vois qu'en travaillant"
11 mars 2011
11/03/11
"Je hais les dormeurs. Ce sont des morts qui n'ont pas dit leur dernier mot.
Ils méconnaissent la nuit quand elle est pleine. Je ne veux pas qu'on la répudie.
Je veux que l'on se place sous les corbeaux qui abritent les terres de minuit avec leurs ailes ouvertes.
Violette Leduc, "Je hais les dormeurs"
"Je hais les dormeurs. Ce sont des morts qui n'ont pas dit leur dernier mot.
Ils méconnaissent la nuit quand elle est pleine. Je ne veux pas qu'on la répudie.
Je veux que l'on se place sous les corbeaux qui abritent les terres de minuit avec leurs ailes ouvertes.
Violette Leduc, "Je hais les dormeurs"
26 févr. 2011
Ligne 11, Jourdain. Sièges à tissu râpeux où s'entrecroisent fils bleus, fils foncés, fils beiges qu'on se force à regarder une fois rendu à son trajet secret. Une brûlerie de café, une bouche de métro (toi dans cette lumière verte), le Prisu bas de plafond, les marches de la crèche. L'étage de la Gitane qui bondit vers le toit de l'église - assis, on boit les cloches. Enfin Jim Morrison de la rue Beautreillis passe en carte postale, adresse/visage sur présentoir.
et pendant ce temps-là ça ne commence pas, impression de flotter sous un plafond de verre
quand on sort c'est aux bruits qu'on se repère
et pendant tout ce temps les rythmes les scansions
les voix la place dans la ville la courbe la vitesse
on les prend les arrache
les messages les slogans ne nous atteignent plus.
Anne Savelli, Franck
Stock, 2010
18 févr. 2011
(...) entre eux tous passer contre et tendre, glisser vers le reflet de l'eau
dans une bibliothèque vitrée, vers le lit devant une fenêtre, sur la plage
devant le Grand Hôtel, à Balbec remuer des algues.
(...)
des portes matelassées, sans poignée, que l'on pousse pour surprendre
ce qui se joue sous la ligne de basse. Aimer stationner dans le sas,
entre deux épaisseurs, et se faire oublier.
(...)
Chercher dans la ville ce qui détourner, apaise, le balancement, le suspens.
Les pas qu'on n'entend plus, la fin des ordres, un rythme à soi dans le
franchissement des carrefours.
Anne Savelli, Franck
Stock, 2010
7 févr. 2011
07/02/11
"Qu'il voyage ou marche dans la campagne, qu'il soit tenu de renoncer à visiter un monument, à atteindre un point de vue, ou un arbre isolé sur l'horizon, il n'était jamais parvenu à se débarrasser de l'impression que c'est très précisément là, au-delà de la limite qu'il venait de se fixer pour le retour, que quelque chose, peut être l'attendait.
Pressé par l'heure, ou ses amis qui venaient de rebrousser chemin, il lui arrivait encore d'escalader seul, en toute hâte, un petit tertre, ou de pousser jusqu'au coude de la route, pour contempler l'ultime lambeau de paysage.
Il se demandait si, loin de s'atténuer, cette fébrilité et cet espoir insensé ne s'étaient pas avivés avec l'âge."
Marcel Cohen, "Le Grand paon-de-nuit"
"Qu'il voyage ou marche dans la campagne, qu'il soit tenu de renoncer à visiter un monument, à atteindre un point de vue, ou un arbre isolé sur l'horizon, il n'était jamais parvenu à se débarrasser de l'impression que c'est très précisément là, au-delà de la limite qu'il venait de se fixer pour le retour, que quelque chose, peut être l'attendait.
Pressé par l'heure, ou ses amis qui venaient de rebrousser chemin, il lui arrivait encore d'escalader seul, en toute hâte, un petit tertre, ou de pousser jusqu'au coude de la route, pour contempler l'ultime lambeau de paysage.
Il se demandait si, loin de s'atténuer, cette fébrilité et cet espoir insensé ne s'étaient pas avivés avec l'âge."
Marcel Cohen, "Le Grand paon-de-nuit"
25 janv. 2011
12 janv. 2011
5 janv. 2011
05/01/11
"Janvier 2004, Kolkata. La gare grouillante de vies. Des morts aussi. Revenu deux jours dans cette ville, avant de rentrer. Resserrer quelque chose. Dans un nouveau carnet je griffonne, en miniature, la trace de quelques dessins imprimés dans ma mémoire : Eloge du sombre, le Chant de l'aveugle,
"Janvier 2004, Kolkata. La gare grouillante de vies. Des morts aussi. Revenu deux jours dans cette ville, avant de rentrer. Resserrer quelque chose. Dans un nouveau carnet je griffonne, en miniature, la trace de quelques dessins imprimés dans ma mémoire : Eloge du sombre, le Chant de l'aveugle,
L'Homme qui marchait entre les rails, Les Rives du Gange, Terrain de jeu, Le Lait blanc, Vaches, L'Homme qui marche sur une jambe et un bâton... Refaire le chemin vers Howrah Bridge, rester là : aux abords, le gate peuplé de personnes étranges, habitées, qui me permettent de croire que je suis en Inde, le marché aux fleurs naturelles, entières, en morceaux, en guirlandes, surabondantes ; en dessous, un gymnase, les camions, les épices ; dessus, l'incessant trafic dans lequel je me glisse, la masse vivante des hommes qui courent doucement, avec des charges trop lourdes, des femmes qui marchent un peu moins alourdies, souvent pieds nus, reliant les deux rives, reliant la campagne à la ville, et je suis du crayon cette danse infinie, des heures, tard, que puis-je faire d'autre ? Très vite, je longe le mur habité d'une misère effrayante, abris précaires inondés, m'enfonce dans les trépidations du bazar, mange quelque chose dans la rue, assiste à un cours de danse à la Tagore House, "transverse" une partie de la ville, avale les fumées, m'assieds, dans le noir à peine éclairé, sur le petit banc où Manoj me sert chaque fois le tchaï, dans un tout petit bol en terre crue, fabriqué un peu plus loin, jeté par terre, noyé dans l'eau, presque disparu, remplacé par le plastique. Prendre le temps de cette journée, apprendre à faire le thé avec Manoj. Continuer jusqu'au marché comme tous les soirs de la ville, les halles très hautes, sombres, avec des petites lumières, l'abondance de matières végétales, animales, et la foule chaude. Je me retrouve dans une immense salle avec un bar plein d'alcool, sans femme, sauf la chanteuse, une musique hurlante, qui pousse à sortir, dans la ville la nuit. Peu importe demain, une journée pleine."
Jean-François Pirson "Comme une danse", notes de voyage
paru dans Les Carnets du Paysage n°13 & 14
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