28 juin 2017

bâche,

je fouette l’air quand il
fait vent je ranime
les lieux
je bleu je
plastique le pays
age
ça me soulè
ve le coeur
de voir des hom
mes prendre racine
finissent par
ne plus voir que
c’est moi
leur toit
je claque a
lors plus
fort plus haut
je re
mue le ciel
ne sent
rien


Sophie G. Lucas « Moujik Moujik »
éditions la Contre Allée (réédit. 2017)


12 juin 2017


« Je suivis cette bande quelques semaines durant. Je n’avais jamais vu un foutu lot de personnes si improbables. Sukmit était le seul shaman reconnu, mais il n’avait rien d’un meneur. Il n’était pas chef, pas weheelu, pour eux. Nous circulions dans les broussailles. Nous nous arrêtions n’importe où, manifestement d’un commun accord. Nous nous arrêtions dans la broussaille. Il y avait toujours une source à proximité. Je ne savais jamais où nous allions. Nous allions quelque part. Je ne m’en souciais pas du tout. Nous allions quelque part, peut-être. Et si nous n’allions pas quelque part, nous n’y allions pas, et voilà tout. Le soir, nous faisions un feu, plusieurs feux (il y avait plusieurs familles parmi nous). Le matin, nous reprenions la route. Je ne sais pas où nous allions. Je ne pense pas que les Indiens l’aient su. Nous faisions une belle procession parmi les armoises, les six ou sept que nous étions, ma voiture traînant en dernière position. Je ne savais pas où nous allions, personne ne semblait savoir où nous allions, la nuit tombait sur nous, les feux s’éteignaient. Les coyotes commençaient à aboyer dans la broussaille. Les chiens indiens hurlaient en réponse. Et tout se consumait dans l’obscurité. »

Jaime de Angulo, « Indiens en bleu de travail », 1996.
traduction Martin Richet (2014)
éditions Héros-Limite