21 janv. 2014


Nous ne sommes pas séparés de la terre
Par la construction d’un tombeau
Ni par un chant de pierres d’églises, ni par voie de contemplation
Mais perdus, tout entiers perdus dans le grand paysage
Avec ses arbres, ses champs et cette incompréhensible lumière
Sur le bord de la route où l’ombre est rare et l’amour incertain
Nous ne sommes pas séparés de la vie
Au milieu des buissons et des choses communes.

HENRY BAUCHAU : « Nous ne sommes pas séparés »

13 janv. 2014


“Et puis (alors que je traversais Russel Square hier soir) voilà que je vois des montagnes dans le ciel, de grands nuages, et la même lune qui s’est levée sur la Perse. J’éprouve la notion vague et stupéfiante de quelque chose qui est là, qui est “ça”. Ce n’est pas exactement la beauté que je veux dire. C’est simplement que la chose en soi se suffit. Qu’elle est satisfaisante, achevée. Il y a aussi cette étrange impression d’être là, de marcher sur cette terre, et l’infinie étrangeté de la condition humaine, moi trottant le long de Russel Square avec la lune là-haut, et ces montagnes de nuages. Qui suis-je, que suis-je ? et ainsi de suite. Ces questions flottent sans cesse autour de moi et puis je me cogne à quelque fait précis, une lettre, une personne, et je les retrouve dans toute leur fraîcheur et leur nouveauté.”

Virginia Woolf, "Journal"

« Quelque fois rien. Une porte
qu'il suffit d'ouvrir ou de
fermer afin que le ciel soit
dedans ou dehors. »

Christian Viguié, "Le Carnet de la roue"

L'homme
       accoudé
   à la solitude  comme
à une barrière, recueillait dans
   la profondeur de son ouïe la
  naissance des voies nocturnes.
     Il entendait les distances,
       innombrablement peuplées,
     s'émouvoir peu à peu ; elles
        semblaient converger vers
          son cœur et s'y attacher ;
           chaque éveil le long du fil
          invisible s'y venait répercuter
            et en rythmait les battements.
                  Et des lointains du ciel,
                 de chaque astre, par le lait
               de la nuit voguait une anxiété
                voluptueuse vers son attente.



Jacques Rivière, "Introduction à une métaphysique du rêve"



            Songe donc
  
nous savoir
    dans la pluie dans les cendres dans le gué
    dans la crue

       nous savoir qui rêvâmes

  là 


Aimé Césaire, "Nous savoir..."