22 juil. 2016

« Nos ciels sont des inventions, des durées, des découvertes, des quotas, des contrefaçons, parfaits et magnifiques. Parfaits et magnifiques. Frais et brillants. Célestes et brillants. Le jour déverse l’espace, un rouge clair ample, brillant et frais. Brillant et maintes fois. Brillant et frais. Pétillant et humide. Clameur et teinte. Nous parcourons les champs spacieux, un tour de rempart et rapide. Brillant et argent. Rubans et défauts. Vers et depuis. Fin et grand. Le ciel est complexe et abîmé et nous sommes là-haut dedans, flottant près de la papillotte d’abricot, le biais piqué, près de la partie morose boursouflée qui se dissout en argent, en bronze l’instant d’après mais rien de significatif, une brèche de vert bleu, une syllabe, nous coupons tous à travers l’andain de molleton déployé, la corde effilée, le hêtre rouge derrière le catalpa d’aluminium qui a économisé tout le printemps pour ce vol, ses hauteurs une partie du ciel, le vent léger retournant le dessous blanc des feuilles, de nouveau le paradis, la partie brossée derrière, la chute. »

Lisa Robertson, « Le temps », 2001
traduit par Eric Suchère
éditions Nous, 2016

13 juil. 2016


«  Le ciel est un premier pas vers l’abstraction. »


Ito Naga, « NGC 224 »
Cheyne Éditeur, 2013

5 juil. 2016



« Nous avons coutume ici d’accueillir des enfants, c’est-à-dire de les mettre au monde comme ailleurs on capture des éléphants sauvages. Ceux qui capturent les éléphants sauvages afin de se les approprier se doivent de développer une argumentation suffisamment forte pour convaincre l’éléphant que sa vie en captivité sera mille fois plus belle que celle qu’il aurait pu vivre à l’état naturel. Cette argumentation prenait chez les Thaï la forme d’un poème forcément long car bourré de mensonges et le poème prenait forcément l’allure d’un chant vantant les richesses et les beautés de la maison d’accueil. Au moins, il y avait un chant pour les recevoir. Les enfants que nous avons toujours appelés avec des mots doux viennent au monde la nuit ou le jour et nous suivent sans que nous devions leur promettre quoi que ce soit. En vérité, il n’y a ni chant ni promesse aucune mais, au contraire, une sorte de supercherie du silence, supercherie dont nous aussi nous avons été et sommes dupes pour l’éternité. Alors, chantons et promettons avant qu’il ne soit trop tard pour parler, même si aux mots se mêlent bon nombre de mensonges et, par là, vérifions nos fondations avant qu’elles ne se désagrègent. »


Eugène Savitzkaya, « Marin mon coeur »
les Éditions de Minuit, 1992.