6 mai 2013

Je fuis devant, je fuis derrière, je fuis en haut et en bas, à l'intérieur. J'abandonne des tonnes de souvenirs, comme ça, très facilement, et je les laisse derrière moi. Je traverse des séries de décors, hautes parois de cartons sur lesquelles sont peints les mensonges de la vie vue par les hommes :
les champs d'herbe verte où passe le vent
les maisons aux volets fermés
les villes blanches sous le soleil
les serpentins des lumières magiques
les rues désertes
les parcs, les jardins, jungles, marécages où flotte la mince vapeur, les Cafés pleins de jambes et de mains, les temples, les tours de fer, les hôtels aux vingt étages capitonnés de feutre, les autoroutes où foncent les voitures aveugles, les hôpitaux, les fleuves, les plages de galets, les noires falaises où sont assis les oiseaux, les."


J.M.G. Le Clézio, "Le livre des fuites" 1969