17 mars 2014


"un chien-loup, noir de jais, me suivit longuement de son regard jaune et fixe. Quand j'entendis le bruissement de quelques feuilles qui tombaient derrière moi, d'emblée je me suis dit, ça, c'est le chien, bien qu'il fût attaché à une chaîne. Tout au long de la journée, la solitude la plus parfaite. Un vent clair fait chuchoter la cime des arbres. Quelle saison ! Elle n'a plus rien de terrestre. De grands sauriens volants expulsent,  sans bruits, des traînées de condensation au-dessus de moi, plein ouest. Ils volent vers Paris, et mes pensées s'envolent avec eux. Il y a tant de chiens. En voiture, cela nous échappe, comme les odeurs de foin, et les arbres gémissants. Les troncs d'arbres écorcés suintent. A nouveau, longuement, mon ombre se tapit devant moi. En fuite, une nuit, Bruno a pénétré dans une station de télésièges abandonnée. Ce devait être en novembre. Il branche l'électricité en abaissant la manette. Toute la nuit, le télésiège marche, sans raison, et tout le circuit est illuminé. Au matin, la police arrête Bruno. C'est comme ça que devrait finir l'histoire."

Werner Herzog, "Sur le chemin des glaces"