25 janv. 2011

25/01/11
"Un œil de terre est colline.
Une série infinie d'yeux tournés vers l'espace.
Les sillons de l'homme, la paume,
la trace parcourue par les pieds
et par les mains de l'homme.
Sculpture pérenne."


1976 Giuseppe Penone, "Respirer L'ombre"



12 janv. 2011


Rien ne saurait toucher ni attrister la lune
Qui regarde sans broncher depuis sa cagoule d'os.

Elle a l'habitude de ce genre de chose.
Et ses ténèbres craquent, et ses ténèbres durent.


Sylvia Plath, "Extrémité" (fragment)

5 janv. 2011

05/01/11
"Janvier 2004, Kolkata. La gare grouillante de vies. Des morts aussi. Revenu deux jours dans cette ville, avant de rentrer. Resserrer quelque chose. Dans un nouveau carnet je griffonne, en miniature, la trace de quelques dessins imprimés dans ma mémoire : Eloge du sombre, le Chant de l'aveugle,
L'Homme qui marchait entre les rails, Les Rives du Gange, Terrain de jeu, Le Lait blanc, Vaches, L'Homme qui marche sur une jambe et un bâton... Refaire le chemin vers Howrah Bridge, rester là : aux abords, le gate peuplé de personnes étranges, habitées, qui me permettent de croire que je suis en Inde, le marché aux fleurs naturelles, entières, en morceaux, en guirlandes, surabondantes ; en dessous, un gymnase, les camions, les épices ; dessus, l'incessant trafic dans lequel je me glisse, la masse vivante des hommes qui courent doucement, avec des charges trop lourdes, des femmes qui marchent un peu moins alourdies, souvent pieds nus, reliant les deux rives, reliant la campagne à la ville, et je suis du crayon cette danse infinie, des heures, tard, que puis-je faire d'autre ? Très vite, je longe le mur habité d'une misère effrayante, abris précaires inondés, m'enfonce dans les trépidations du bazar, mange quelque chose dans la rue, assiste à un cours de danse à la Tagore House, "transverse" une partie de la ville, avale les fumées, m'assieds, dans le noir à peine éclairé, sur le petit banc où Manoj me sert chaque fois le tchaï, dans un tout petit bol en terre crue, fabriqué un peu plus loin, jeté par terre, noyé dans l'eau, presque disparu, remplacé par le plastique. Prendre le temps de cette journée, apprendre à faire le thé avec Manoj. Continuer jusqu'au marché comme tous les soirs de la ville, les halles très hautes, sombres, avec des petites lumières, l'abondance de matières végétales, animales, et la foule chaude. Je me retrouve dans une immense salle avec un bar plein d'alcool, sans femme, sauf la chanteuse, une musique hurlante, qui pousse à sortir, dans la ville la nuit. Peu importe demain, une journée pleine."

Jean-François Pirson "Comme une danse", notes de voyage
paru dans Les Carnets du Paysage n°13 & 14