29 juin 2015


"Nous avions l'illusion de fendre cet espace inconnu à mesure que nous allions le parcourant, comme si, avant nous, il n'y eût eu autre chose qu'un vide imminent que notre présence peuplait d'un paysage humain, mais, une fois que  nous l'avions laissé derrière nous, dans cet état de somnolence hallucinée que nous dispensait la monotonie du paysage, nous constations que l'espace dont nous pensions être les fondateurs avait toujours été là et qu'il consentait seulement à se laisser traverser avec indifférence, sans rien garder de nos empreintes et dévorant même celles que nous y avions laissées exprès afin d'être reconnus de ceux qui viendraient après nous. Chaque fois que nous débarquions, nous étions comme un fourmillement fugitif sorti du néant, une fièvre éphémère qui miroitait quelques moments au bord de l'eau et après s'évanouissait."

Juan José Saer, "L'Ancêtre"

21 juin 2015



"A cette heure heureuse, personne ne put le voir normalement sauf les reptiles, on distinguait à travers sa peau transparente des paysages bouger, de la poussière volante, une mouche passant à travers son corps disparu et surtout, en haut à gauche, une masse battre très lentement, comme un serpent : un coeur."

Mathieu Brosseau, "Data Transport"

9 juin 2015


"Il suffirait de s'installer dans une ville,  n'importe laquelle, pourvu que son murmure couvre celui de l'esprit. Il suffirait d'attendre comme quelqu'un qui serait assis dans un immeuble en feu. Se laisser dévorer. On n'écrit jamais que sur des cendres."

Philippe Rahmy, "Béton armé"

1 juin 2015


/ 27 octobre 1935/
En peinture aussi la vérité est près de l'erreur.

Pierre Bonnard, "Observations sur la peinture"