26 mai 2016


"la fiction peut te faire avaler des
couleuvres luisantes retorses et belles
comme des fins de jour, en fermant
les volets l’odeur arrive toute proche,
brusquement, un dehors au-delà, un
ailleurs, un parfum qu’on ne peut
contenir, ce moment, dit quelqu’un,
ce moment il te faut l’accepter avec
sagesse, comprendre que cette beauté
existe sans toi, un compromis à faire,
l’acceptation du dérisoire, d’être ce
dérisoire, de n’être que, borné,
futilité, la fin, la fin du jour non plus
ne sait pas se relire, ne le désire pas,
ne se relira pas, ne reviendra pas en
arrière et il faudra humer le jour,
oblique / à travers lui ou alors se
pencher, courber la tête, comme il le
fait comme elle le fait « 


Christine Jeanney, Oblique
éditions Publie.net, 2016

13 mai 2016

 "Marcher est danser : balancier des bras, ciseaux des jambes, au rythme des mots lus, vus ou pensés, dans un parcours urbain ou rural.

Une chorégraphie liée à ce que je vois, sens, entends, goûte ou touche, à quoi s'ajoutent les souvenirs réactivés par les sensations.

Je suis chez moi ici ou là. Le monde est vraiment un atelier. J'avance dans l'aujourd'hui sur l'axe du futur.

Le passé flotte au-dessus comme un ballon captif. Pensées naissantes, conversations ébauchées, lambeaux de mots, gestes esquissés, images s'évanouissant fade away.

J'assiste à des rencontres : "Parapluie - Machine à coudre", "Arrosoir - Clé usb", "Sac de charbon - Coyote", "Codex maya - Assiette de frites", "Kerouac - Tarkovsky".

Je saisis une conversation entre un chaman et Catwoman, entre un ventriloque et une danseuse égyptienne. Je chemine tranquillement dans l'espace imagiréel." (...)

Lucien Suel, "Devenir le poème"
"Je suis debout" éd. La Table Ronde 2014

4 mai 2016

(séquence 413)

je me sens américain, je suis un poète américain, I am, yo soy, un poète new-yorkais argentin québécois cherokee nicaraguayen, je suis prêt à entonner Hourrah America avec tous les métis et tous les gringos, je suis prêt à fonder uneInternationalepoétiquemaisàmoitoutseul, et si la première Internationale a vu le jour à S. Martin’s Hall je n’y peux rien, ce matin je me lève tôt, je m’envole pour Manhattan acheté aux Algonquins 24 dollars par le gouverneur Minuit, je pousse jusqu’aux forêts d’érables sous la première neige de Mont-Royal, je fais une halte à Managua où le président Sandino imite le président Washington et retourne sur ses terres, lui c’est la canne à sucre et une coopérative car cent cinquante ans ont passé, je lis mes poèmes devant trois cavaliers dont les éperons brillent dans le soleil couchant, je reviens dormir le soir à Cordoba province de Cordoba.


Bernard Chambaz, ÉTÉ, chant V
Flammarion 2005