14 févr. 2018

J’aime l’étendue tentaculaire de Lakeside

«  J’aime l’étendue tentaculaire de Lakeside, l’impossibilité de parcourir un chemin à travers ses possibilités alambiquées. Ils bloquent des routes, vous forcent au détour. L’expérience de la vente au détail est une sorte de chasse au trésor, un rallye sans cartes. Vous mettez la main sur les cartes, comme sur un prix, lorsque vous arrivez à destination. Elles sont illisibles : un lac, un bateau, des zones roses grises vertes bleue. House of Fraser, BhS, Bentalls, C&A, Argos, Boots, Marks & Spencer. Personne ne sait comment cela fonctionne. Vous pourriez repérer Ikea à l’horizon mais vous n’en trouverez jamais l’entrée secrète. Pas la première fois. (Et si vous ne la trouvez pas, vous avez besoin d’un guide autochtone pour vous exliquer le système. Les décors — faux bureaux, cuisines et chambres — qui ne sont pas à vendre. La très longue marche suédoise, excellent pour la  santé, à travers les meubles de pin, est inontournable — une sorte de régime d’entraînement avant l’accès aux entrepôts. J’ai été particulièrement fasciné par les livres : de vrais livres dans de fausses pièces, des rangées interminables d’éditions suédoises de Patricia Highsmith.)
Lakeside n’est pas fait pour les piétons. Nous ne nous y attardons pas. L’endroit est épuisant : votre âme fantome y est volée par des caméras de surveillance, volée et enregistrée, dotée d’un code temporel — pour vous garder là où vous êtes. « Une seule visite à Lakeside, et vous ne pourrez plus vous en passer ! » Telle est la promesse du vampire. « Quelque chose pour tous les goûts et tous les âges. » Quelque chose pour des aristocrates transylvaniens âgés de 800 ans et se gavant de plasma. « Lakeside la nuit… c’est magique ! »

Ian Sinclair, "London Orbital » (2006)
trad. Maxime Berrée   pour éd. Inculte 2010

5 févr. 2018

Une pensée suit une pensée

Une pensée suit une pensée.
Au bord, l’aube attend la fin
des calculs astronomiques indiens
pour disperser fantômes sans souffle
animaux stellaires
et talismans sorciers.
Les étoiles fondent comme du sucre
l’heure est limpide dans le jour d’été.


Muriel Pic, “Une image suit une image” dans “Elégies documentaires”,
éd. Macula, 2016