18 mai 2014


"Après avoir loué une maison près de la porte de Dongzhi, j'ai aménagé ma bibliothèque dans une petite pièce à droite de la principale et, au-dessus de la porte, j'ai écrit ce nom, emprunté à Xu Wei : Cellule de l'Onde de la Littérature.
Quelqu'un m'a dit : "Votre région natale n'est qu'un vaste paysage d'eau. Mais ici, à la capitale, le bruit et la poussière montent jusqu'au ciel et obscurcissent l'éclat du soleil. Il n'y a pas une goutte d'eau, pas plus dans cette pièce qu'ailleurs ; comment s'imaginer y voir une onde ?"
Ermite de ce lieu, je répondis en souriant : "Il ne s'agit pas de la réalité de l'eau. Mais rien, sous le ciel, n'est plus proche de la littérature que l'eau. Elle part soudain tout droit, ou soudain change de cours. Elle couvre et découvre le ciel ; en un instant, une sombre nuée s'étend à l'infini. Ténue, c'est un voile de soie ; en tourbillon, c'est l'œil d'un tigre ; en cascade, c'est un rayon céleste ; dressée, c'est un mont de jade ; déployée, c'est un dragon ; éparpillée, c'est la brume ; inspirée, c'est le vent ; irritée, c'est le tonnerre. Rapide ou lente, nonchalante ou brusque, elle jaillit sous dix mille formes. Voilà pourquoi ce qu'il  y a de plus prodigieux, de plus changeant sous le ciel, c'est l'eau. Né dans une région aquatique, j'ai été habitué à l'eau dès l'enfance, je me crois toujours près de l'eau. J'ai traversé le Dongting, passé le Huaihai, franchi le Taihu ; mon bateau est allée au Yantan ; j'ai exploré les merveilles du Wuxie, parcouru les plus beaux sites des fleuves et des lacs, épuisé toutes leurs métamorphoses. Et désormais, je pense qu'il n'est pas, sous le ciel, d'eau qui ne soit littérature."

Yuan Hongdao,
(1568-1610)
dans "Paysages chinois en prose"