29 nov. 2016

« Un peuple : À Rome jadis, le mot populus (o bref) veut dire peuple et le mot populus (o long) signifie peuplier : la piazza del popolo actuelle est un endroit de cette hésitation : nous sommes là-bas, incertains si nous participons dans le bruit des arbres, dans la fréquentation des gens. Nous restons dans une égalité immense. Oui (je le répète) il semble que ce mot « peuple », ou un de ses équivalents, le mot « peuplier » pour certains, soit une direction très fréquente, et aussi très ancienne, pour les faiseurs de poèmes. Ainsi que dit joachim du Bellay mêlé à la populace parfois aristocratique de la Ville : « je m’adresse où je vois le chemin plus battu. » Nous allons chacun vers un lieu pour nous très habité, vers le chœur confortable des gens, vers les traces accumulées. Nous croyons qu’ils nous sauveront du pire. Nous pensons (naïvement) qu’ils sont moins que nous privés du monde, des rues, des autres. Tout cela est faux bien sûr (et idéologiquement suspect) : nous le savons et nous ne le savons pas. Nous continuons à battre le chemin, nous respirons leur poussière quasi miraculeuse, nous les désirons dans nos vers ou nous désirons nos vers pour eux, c’est difficilement décidable. »

Stéphane Bouquet, « Un peuple »
Champ Vallon éditeur, 2007.