8 mars 2019

En descendant vers Sant'Alessio, je crie

























En descendant vers Sant'Alessio, je crie, comme doit crier le poisson qu'on rejette à l'eau après lui avoir accroché le bec avec un hameçon, le lièvre qu'on libère après l'avoir pris au piège ou encore la guêpe, comme celle de Scopello, qui était rentrée dans ma chambre et que j'ai dû aider à repartir par la fenêtre qu'elle ne trouvait pas. Une partie de notre instinct, de notre énergie vitale consiste, sans que nous nous en rendions compte, à échapper aux pièges. Un vieux reste de Néandertal, une trace de notre vie primitive, cet instinct-là, dont nous avons plus que jamais besoin tant sont raffinés les pièges d'aujourd'hui et subtiles leurs séductions.
Hourrah, criais-je sur la route ! Hourrah et viva la libertà ! Et les cris durent jusqu'au moment où je vois la mer.

Mais il y a la mer
Et les hirondelles et les nuages
Oui il y a la mer
Comment peux-tu être dans l'angoisse ?*

Le feu de la révolte s'apaise au contact de l'eau ! Je prends la direction d'Agrigente. Le piège derrière moi se referme sur du vide.


Édith de la Héronnière
"Du volcan au chaos. Journal sicilien"(2002)
éd. Nous 2017
(*Folke Wirén, Paysage d'une vie, Actes Sud, 1982.)